mercredi, 24 décembre 2008
Pour la peine.
Grosse conne.
C'est ce qu'il pensait du haut de ses 7ans .
Mais pas trop fort .
Pas grave un jour il serait grand.
Il pourrait penser fort...
Il pourrait même sans doute répliquer à cette main qui venait de violer sa joue.
Il se leva et monta.
Il ne comprenait pas trop ce monde . D'abord on lui avait raconté toutes ces merveilleuses histoires.
Il avait écouté , médusé, émerveillé, avide d'en ravoir.
Et puis un défaut d'organisation avait fait qu'il avait découvert le pot aux roses.
Il avait ouvert le mauvais placard au mauvais moment.
Il avait d'abord nié.
Non c'était pas possible.
Sauf que.
Le papier cadeau , c'était le même qu'à son anniv.
Le déni, c'était juste le début du deuil.
Quel sens ça avait au juste?
Il décida d'en parler.
Lorsqu'il évoqua la chose dans la cuisine remplie d'adultes, on rétorqua qu'il était grand maintenant.
"Qu'est-ce qu'il croyait, que le père Noël volait vraiment dans le ciel grâce à un traîneau magique..."
pouffa un de ses oncles.
Il repensa à avant.
Tout beau tout blanc.
Et puis maintenant.
Machination et rires entendus.
Il avait été manipulé et on l'humiliait d'avoir été si crédule.
Mais de bons adultes responsables, ne pouvaient pas le laisser s'épancher ainsi.
Il fallait vite scléroser la colère qui pointait.
Et prévenir les fuites.
Alors sa mère l'avait pris entre 4 yeux.
"Bon ok, t'es déçu, mais tu dis rien aux petits, hein, faut pas gâcher leur fête,
Toi t'étais content quand tu croyais hein?....hein?"
La colère était vérouillée.
Plus aucune chance d'être triste et de laisser couler le chagrin .
Car c'est triste de perdre un être cher.
Surtout un père.
Alors quand de surcroit , on apprend qu'il n'existe même pas.
A table, le grand soir, les petits débattaient sur la façon dont le dieu de la générosité
rentrerait dans la maison.
La cheminée.
Oui mais y'avait du feu.
"Maman faut éteindre le feu!!!"
Lui, il écoutait.
Ils en étaient aux carottes et au verre de lait...
Les hauts le coeur soulevaient le loquet de sa colère.
"Et aussi il voit tout ce qu'on fait..."
Alors l'émotion refoulée commença à déborder.
"Toi t'as commandé quoi? lui demandèrent les deux petits yeux voisins de table."
Il laissa un temps.
Et là froidement , il fixa les deux petits yeux et dit:
"Mon pauvre...mais c'est n'importe quoi tout ça...c'est les parents...ça n'existe pas, le père No..."
Sa phrase fut ponctuée par une main violente sur sa joue.
"Tais toi.... t'es vraiment trop méchant... Monte dans ta chambre."
"Qu'est-ce qu'il a dit maman?"
"C'est rien , c'est rien, allez, mangez... après il faut aller faire dodo pour que le père noël puisse passer."
C'est ainsi qu'on l'empêcha de faire son deuil.
C'est ainsi qu'il entra dans le monde des adultes.
Accueilli avec violence et humiliation.
C'est ainsi qu'il détesta Noël.
Puis qu'il oublia pour que ce soit supportable.
Et qu'il humilia à son tour son fils aîné au même âge, à peu près.
15:45 Publié dans lettres capitales | Lien permanent | Commentaires (8)
mercredi, 03 décembre 2008
En bas de chez moi.
Le monde est parfois en bas de chez toi.
Tu le sais même pas.
Tu le cherches. Dans le reflet des vitrines des magasins de luxe.
Dans le dernier Nouvelles Frontières.
Je descendais , l'escalier comme tous les matins.
J'allais au taf. J'étais en train de chercher compulsivement mon papier
à cigarettes.
Comme je trouvais pas je me suis arrêté.
Genre je réfléchis. Ou est-ce que j'ai bien pu
le mettre.
La vitre en face de moi m'a réfléchi elle aussi.
concentré, froncé, tragique.
Je cherchais ce putain de papier.
Avec mes mains.
Ce sont finalement mes yeux qui trouvèrent.
Elle.
Le visage bazané.
Les joues rouges vif.
Elle était de l'autre côté de la rue.
A côté de l'étal de fruits de l'Arabe.
J'ai vu ses mains.
Danser autour des pommes.
Chappardeuse hardie.
Tout en faisant semblant de regarder les passants.
Si bien qu'elle me regarda pour de bon.
Je ne pouvais pas la quitter des yeux.
Toute pommée de partout, elle traversa la rue.
Se planta net devant moi.
Elle sortit une pomme d'un de ses foulards.
Et croqua dedans à pleines gencives.
Une lionne n'aurait pas mieux déchiqueté sa part de gazelle.
"tu veux?"me demanda -t-elle.
...
Je restai sur le cul.
"Tu veux?", insista -t-elle...
"Euh non...j'ai pas faim , merci..."balbutiai-je...
Elle éclata de rire.
Un rire chaud. Un rire de 5 ans d'âge.
Un pur bonheur.L'émotion brute.
Ses doigts attrapèrent les miens, et m'entrainèrent derrière elle.
Une déesse aux foulards pommés traînant un mortel éberlué.
On était pas loin des quais .
Elle m'entraîna et descendit le petit escalier.
Qui arrivait dans l'eau.
Elle entra sans réfléchir.
Je fus saisis par la fraîcheur de l'eau, qui nous arrivait aux cuisses.
Elle avança prudemment le long de la berge, sur le rebord invisible
pour qui n'est pas amphibie.
Arrivés sous le premier pont, elle nous stoppa net.
Elle se cala contre le bêton.
Elle me cala contre ses hanches.
Ses mains sur mes fesses.
Ses jambes autour de moi.
Elle me regardait droit dans les yeux.
Juste le temps de me faire grandir.
Avec d'imperceptibles pressions.
Je n'avais jamais croisé un regard pareil.
Quand elle me sentit au maximum, elle attrapa ma bouche
pour y fourrer sa langue.
Je respirais à peine.
C'était le genre d'étouffement dont on rêve toute sa vie.
Sa main déboutonna mon jean.
La mienne fureta sous ses foulards.
Elle ne portait rien d'autre.
Nous nous trouvâmes très vite.
Je dus me contrôler pour ne pas venir tout de suite.
Penser au froid de l'eau.
Elle me rendait dingue.
Ses yeux grand ouverts, ses foulards qui frottaient mon ventre,
le clapotis de l'eau sur les berges de nos corps, remuant en choeur.
Je devinai qu'elle allait jouir au moment où ses yeux se fermèrent.
Au bord depuis le début, je me laissai enfin aller.
Secoué par une impressionnante décharge, rarement égalée.
Ses yeux s'étaient rouverts.
Ils brillaient de mille feux.
Elle posa ses lèvres avec une douceur inattendue sur les miennes.
Puis se dégagea de mon étreinte.
Elle s'apprêtait à retourner vers le petit escalier.
Elle sortit une pomme , se tourna et me la lança.
"Cadeau", rigola-t-elle.
Je regardai les foulards flottants s'éloigner.
Je ne savais plus ce que je faisais.
Je ne savais plus qui j'étais.
Je ne savais plus où j'étais.
Un voyage initiatique.
Au pays des paumés.
Des sans papiers et du plaisir pur.
Le monde en bas de chez moi.
Je croquai la pomme.
La meilleure que j'ai jamais mangé de ma vie.
23:32 Publié dans lettres capitales | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : et maintenant, un peu de cul
jeudi, 27 novembre 2008
Il était une fois.
Il les regarda un à un.
Il avait des hauts le coeur.
Il n'entendait que des bribes.
"une honte"
"avenir"
"malheur"
"confiance"
"Ca n'allait pas recommencer"
Le dîner de famille tournait au dîner d'infâmie.
Règlements de contes.
Dans le rôle de la mère, Micheline.
Elle avait trouvé un mégot de joint.
Yeux exhorbités, elle avait couru dans le bureau du père Christian.
Aux yeux exhorbités de la femme, s'étaient associé le balai des mains offusquées du mari .
Comment était-ce possible?
Ils lui parleraient.
Ca n'allait pas recommencer.
Ce soir-même. Devant l'oncle médecin.
Après l'apéritif, le délinquant qui écoutait de la musique fut convié.
A rejoindre l'assemblée.
Il s'était assis.
Contraint.
Vite. Juste manger et se barrer.
L'oncle avait pris la parole.
Il avait introduit l'affaire.
Les parents étaient pendus à ses lèvres.
La femme de l'oncle, de 20 ans sa cadette, roulaient des yeux , faisant mine
d'être intéressée ou pire de comprendre la conversation.
Il avait décroché après le mot joint.
Il ne pensait qu'à Emilie.
Il les regarda un à un.
Les visages rougis.
Les mots bien rangés sortis de la bouche médicinale.
Les cadavres de bouteille de vin bien rangées aussi au bout de la table.
Des morts propres et autorisées.
Son père ouvrait justement la 3ème bouteille.
Il les regarda un à un.
Se morfondant pour lui.
S'énervant.
Se décourageant.
Le médecin loghorrait.
L'assemblée absorbait.
L'adolescent abhorrait.
Comme il ne regardait pas son oncle, le ton monta.
Le père et la mère s'indignèrent.
Comment c'était possible, une telle impolitesse.
Après tout ce qu'ils avaient fait pour lui.
Le fils frémit.
"après tout ce qu'ils avaient fait pour lui".
Il pensa à Emilie.
Il les regarda un à un.
Il avait des hauts le coeur.
Il n'entendait que des bribes.
"une honte"
"avenir"
"malheur"
"confiance"
"Ca n'allait pas recommencer"
Il aurait voulu crier.
Comment pouvaient-ils oser?
Prendre la table , tout renverser.
Leur faire avaler leur bouteille , droit dans le gosier.
Il quitta la table .
Il quitta la pièce.
Il alla dans sa chambre.
Il prit le carnet rouge dans le tiroir de son bureau.
"samedi 20 novembre".
"Je le jure, je vais me tuer"
"S'ils ne font rien, je me tue"
"Je n'en peux plus"
"Ils ne comprennent rien"
Emilie et ses boucles brunes s'était éteinte une semaine
après l'ultime page de ce carnet.
C'était 5 ans plus tôt.
Et rien n'avait changé.
Un enfant était mort pour rien.
Ils n'avaient toujours pas compris.
Ni le père.
Ni la mère.
Ni l'oncle médecin.
Il prit un petit sachet dans la poche de sa veste.
S'enquilla la petite pilule.
Un entraînement.
Pour son ultime fugue.
Il était une fois une famille qui n'existait pas.
Une famille sans aime. Une immense fa ille.
Qui faisait mourir ses enfants.
22:22 Publié dans lettres capitales | Lien permanent | Commentaires (4)