mardi, 07 octobre 2008
Le plus beau jour du reste de sa vie...
Le réveil claironnait 6 heures, il ne fallait pas traîner.
Elle se leva . Le regarda dormir...
Le trouva beau...
Mais un peu gros.
1ère contrariété.
Enfin...c'était arrivé.
Elle se souvint 9 mois plus tôt dans l'enceinte de la petite chambre de la clinique.
Il les avait regardées, elle et leur nouvelle enfant, une fille après le garçon, en ordre comme il fallait, et lui avait enfin demandé.
Elle avait été émue surtout à l'intérieur, c'était quelqu'un dont pas grand-chose ne dépassait.
Et puis ça tombait bien, bébé 3 était programmé mais pas tout de suite, fallait laisser les choses se tasser, et elle ,elle n'aimait pas les agendas vides, alors c'était une aubaine, qu'il se décidat enfin.
Un orgasme.
Pour son planning familial.
Oui , déclara t-elle pudiquement.
Comme si il avait pu en être autrement.
3 mois plus tard , le traiteur était réservé, la salle aussi, une robe essayée.
L'idée du faire-part trouvée.
A la maison c'était tendu.
Il avait dit ok. Il avait pas vraiment dit qu'il aiderait.
On peut bien faire plaisir, mais difficilement se trahir.
Elle réussit à le trainer, un matin , pour une chemise parce que s'il y allait tout seul.
Le mois suivant, super affaire, au manège à bijoux de chez Leclercq.
Et des doigts bien empotés qui s'entrainaient à se marier.
Juin arriva, et le dernier essayage aussi.
En théorie.
La grande surface du bonheur avait malheureusement quelques soucis à être dans les temps.
De jour en jour la future dépérissait. Mais négociait déjà une belle ristourne.
Puis la bonne nouvelle téléphona, enfin: la robe était arrivée...
Elle enfila...Un bustier dans lequel il manquait un corps.Le sien.
Trop tard pour se faire opérer.
Elle embarqua ses paquets et courut chez une voisine multifonctions qui arrangea tout cela de quelques coups d'aiguille....
Tout était prêt, amidonné.
Et Ce matin était arrivé.
Elle se doucha rapidement.
retourna près du lit pour s'habiller.
Dans un demi sommeil il l'attrapa par la taille et l'entraina contre elle.
Elle l'embrassa furtivement, détournant le regard.
Il empoigna ses fesses.
Les enfants chez les aïeux, c'était pas si souvent....
"Pas maintenant , on a pas le temps."
2ème contrariété.
Elle commença à dresser la liste de tout ce qu'il restait à faire.
Sa colonne à lui . Sa colonne à elle.
La fierté matinale de son mâle agonisa dans le coin du drap.
Elle finit de s'habiller, lui lança un dépêche-toi.
Et descendit.
Pas faim.
Vite les étiquettes ...
Elle avait fait un magnifique plan de table sous excell.
Putain mais ou il était passé?...
Elle fouilla nerveusement les cartons méticuleusement entreposés,dans lesquels squattait ce qu'il restait à installer.
Rien...
3ème contrariété.
Elle s'agaça, puis se ressaisit.
Dans un bel effort , elle se rappela plus ou moins, l'ordre social......plutot plus d'ailleurs.
Elle était très douée pour ça.
Ouf... la fête était sauvée.
Bien....maintenant la hiérarchie des dragées.
Les petits pots à confiture pour la famille et les témoins.
Les petits pots à bouchon de liège pour les autres.
Tout était en ordre .
Elle allait pouvoir manger, un peu.
Elle passa devant la table du buffet et remit droite une assiette qui dépassait.
Rejoint les autres dans la cuisine.
Prends un fruit, t'as besoin de vitamines t'es toute pâle.
Non merci.
C'était trop risqué. aucun légume ni fruit depuis l'âge de 7 ans.
Ca la terrorisait, elle ne voulait plus essayer.
Elle avala des chips, des knakies,une glace .
Un déjeuner d'un enfant de 7 ans.
C'était l'heure.
En coulisse pour être coiffée , maquillée, enrobée.
Parée à affronter la foule.
Elle respira un grand coup, et s'exposa.
Comme un tableau tout neuf un peu gêné.
Sourires inquiets, salamaleks forcés.
On s'escorta les uns les autres, jusqu'au premier étage où les registres seraient signés.
Sous vos applaudissements, Vive les mariés !!!
Elle zappa l'organisation des clichés.
Tout le monde était mélangé, ça la démangeait de tout ranger.
4ème contrariété.
On regagna la salle, immaculée et magnifique.
Allait-elle seulement laisser ses invités y entrer?
Oui...elle était bien trop fatiguée...
Une ouverture de bal avec la valse des "tout va bien?"
Parfaite hôtesse, le petit garçon, la petite fille, le petit mari.
Un peu plus tard, après le fromage,ils essuyèrent en cachette quelques larmes devant le diaporama improvisé par leurs amis.
Puis,place à la danse et au catastrophique Disc Jockey.
Presqu'une nouvelle contrariété...
Heureusement ils ne l'avaient pas payé...une connaissance de la tante de...
A un moment elle vint me voir.
Je lui demandai: "Tu es heureuse , c'est une belle journée?"
Alors elle me confia dans un souffle sa 5ème contrariété:
de vils invités amis, avaient pris, voire dérober, les mauvais pots de dragée....
Je compatis avec stupeur.
Et finis de me convaincre, que si belle soit la robe, jamais au mariage je ne cèderais.
14:26 Publié dans lettres capitales | Lien permanent | Commentaires (12)
vendredi, 03 octobre 2008
Passage avide.
Elle a mis les graines dans l’eau bouillante.
Elle a regardé sur l’emballage.
Encore 7 minutes…
Il y a des soirs.
Et puis après…
Elle les a regardé s’énerver, s’agiter , faire du bruit…
Rire aussi.
Elle a mis leurs assiettes.
Elle a vu que ça commençait à s’embuer. Sur le carrelage de la cuisine…
Et derrière ses paupières…
Vite, vite ravaler tout ça, parce que …
L’ émotion, c’est quand ils seront couchés.
7 minutes…
Il y a des soirs
Ou la moitié d’un quart d’heure dure une éternité…
Elle a pensé qu’il faudrait peut-être mettre une machine en route…
Oui il faudrait …
Et elle a renoncé...
Ils ont fait du bruit encore plus fort.
Comme pour dire : on existe…
Mais elle, ce soir elle n’a pas le courage d’exister.
Même plus celui de panser.
Un robot ménager.
Il y a des soirs…
Les graines avaient commencé à gonfler mais pas suffisamment…
Contrairement à la crue qui se préparait …
Ils lui ont demandé à boire…
Quelques secondes de gagné.
On détourne le regard
Il ne faut pas être repérée.
Elle a attrapé les couverts, et les a disposés .
A servi la soupe…
Chacun dèrriere son bol, emmitouflé.
Elle a baissé sa garde.
« Maman tu pleures, a dit l’ainé ? »
« Non une poussière dans mon œil…ça va passer »…
7 minutes…enfin…
Il y a des soirs…
Les graines ont été avalées…
Et le coucher dans la foulée…
On a remplacé l’histoire
Par des baisers par milliers.
Et puis plus rien…
Juste un brouillard…
Et les vannes qui ont lâché…
00:25 Publié dans lettres capitales | Lien permanent | Commentaires (9)
dimanche, 28 septembre 2008
Marinette
...
Ce matin , je me suis réveillée juste avant le bruit de la clé dans la porte.
Puis la lumière crue, dans mes yeux si fatigués.
Toujours là, alors.
Je m'étonne tous les jours d'ouvrir une nouvelle fois mes paupières, sur le papier jauni de cette chambre.
"Elle est bien là, c'est propre ", qu'ils ont tous dit.
Ils m'ont accroché tous plein de photos d'eux partout...tout plein.
Y'en a même que je connais pas. Que j'ai jamais vus.
Mais eux, ils me connaissent apparemment.
Heureusement ils ont mis des légendes.
Un vrai plan généalogique.
Et tous, un visage de circonstance: "on est là, on ne t'oublie pas"...
Ah bon, si vous le dites.
Ensuite la femme noire vient.
Elle change ma couche.
Elle me lave.
Soigneusement.
Elle est gentille celle-là, je l'aime bien...de jolies lèvres roses en forme de sourire sur sa peau couleur ébène qui me disent bonjour, et des yeux qui me regardent.
L'autre, la blanche , je l'aime pas.
Elle entre chez Moi sans frapper, elle allume Ma télé.
Elle m'attrappe par les bras,sans me dire un mot, me traine sur les toilettes et m'asseoit là, avec ma couche sale qui me brûle la peau.
En attendant.
Parce qu'elle a à faire.
Elle ouvre grand la fenêtre, parce que ça pue qu'elle dit.
Et elle regarde Victoria refuser d'épouser John , en faisant Mon lit.
Très mal.
Ou a-t-elle appris à faire un lit, cette souillon?
Rah...si je pouvais bouger , un peu plus...
Je lui montrerais.
D'abord le drap.
On tire.
On vérifie l'alignement des deux côtés.
On borde en bas , le drap.
Puis la couverture.
On tire.
On aligne
On borde , des deux côtés.
Puis on tape l'oreiller.
Elle ne tape même pas mon oreiller.
Si j'avais juste la force de taper mon oreiller...
Ensuite, la noire gentille ou la blanche méchante , m'habille.
Parfois elles me mettent des robes qui ne sont même pas à moi.
Pourtant , mes vêtements ont été marqués.
C'est le règlement.
Mais lire une étiquette n'est pas dans leur réglement à eux, visiblement.
"On va se faire belle, qu'elles me disent parfois"...
Oui enfin, si tant est que ressembler à une écorce d'arbre ridée avec une robe, peut être considéré comme un critère de beauté.
Alors je me tourne vers Sa photo.
Je soupire, en silence, elles ne s'en rendent même pas compte.
Et je me dis, ah Julien...., c'est quand qu'on se revoit, hein?
Ensuite commence l'attente.
On me déplace.
Un peu.
100 mètres par jour en moyenne.
On me demande d'ingurgiter des trucs informes.
Et infâmes parfois.
De l'eau gélifiée rose bonbon.
On m'invite à socialiser avec des vieillards, qui crient, qui tremblent, ou qui racontent tels des révisionnistes, leur tout nouveau passé.
Ce n'est pas très gai.
Alors j'ingurgite.
Ce que ma main parvient à mener à ma bouche.
J'en fous plein mon bavoir, ils avaient qu'à pas m'humilier.
Même pas un bon coup de pinard avec ma vache kiri.
J'ai du renoncer à mon camembert au lai cru, je m'étouffais.
Parfois, des photos viennent me rendent visite...
J'avoue ça me fait plaisir...enfin certaines.
D'autres m'ennuient.
Si je pouvais leur dire...
Ca leur éviterait de faire toute cette foutue route.
Et ça m'éviterait de les entendre me demander 10 000 fois si ça va.
Ou parler de moi à la 3ème personne du singulier.
Voire à l'imparfait.
Celles que je préfère , ce sont les mini photos... des photomatons, qu'on dit je crois...
Je les regarde s'agiter autour de moi...escalader les rembardes.
Faire la course dans les couloirs de ma propriété.
Supplier , on va dehors , on va dehors...
Alors on me met dans Mon caddie et on y va.
Chacun ses courses.
Je les regarde: 4 petites jambes qui courent après le ballon ou les lapins.
J'ai envie de me lever de ce fauteuil et d'aller jouer avec elles, sur la pelouse...
Bon je me contente de l'air sur ma peau de vieille pomme fripée.
C'est bon.
S'il fait trop froid , on reste dans Mes appartements.
Les petites photos dessinent entre 2 bêtises et la grande photo qui les accompagne m'oblige à plier des torchons.
Elle a pas oublié.
A quel point j'aimais ça.
Alors je plie.
Et c'est bon.
J'y arrive encore.
Même en tremblant.
Quand j'ai fini, je la regarde droit dans les yeux.
Et elle me regarde aussi.
Je ne sais plus comment elle s'appelle.
Elle me l'a redit y'a 5 minutes pourtant.
C'est pas bien grave.
Elle me prend la main.
Elle me touche.
Si j'avais encore des larmes, j'en pleurerais de joie.
Elle , elle en a .
Mais je vois bien qu'elle les retient là derrière le bleu de ses yeux.
Alors on pleure en silence.
Toutes les deux.
Puis elle efface tout ça avec son plus beau sourire.
Et parfois, dans un intense effort ,j'arrive à le lui rendre.
13:12 Publié dans lettres capitales | Lien permanent | Commentaires (7)