dimanche, 28 septembre 2008
Marinette
...
Ce matin , je me suis réveillée juste avant le bruit de la clé dans la porte.
Puis la lumière crue, dans mes yeux si fatigués.
Toujours là, alors.
Je m'étonne tous les jours d'ouvrir une nouvelle fois mes paupières, sur le papier jauni de cette chambre.
"Elle est bien là, c'est propre ", qu'ils ont tous dit.
Ils m'ont accroché tous plein de photos d'eux partout...tout plein.
Y'en a même que je connais pas. Que j'ai jamais vus.
Mais eux, ils me connaissent apparemment.
Heureusement ils ont mis des légendes.
Un vrai plan généalogique.
Et tous, un visage de circonstance: "on est là, on ne t'oublie pas"...
Ah bon, si vous le dites.
Ensuite la femme noire vient.
Elle change ma couche.
Elle me lave.
Soigneusement.
Elle est gentille celle-là, je l'aime bien...de jolies lèvres roses en forme de sourire sur sa peau couleur ébène qui me disent bonjour, et des yeux qui me regardent.
L'autre, la blanche , je l'aime pas.
Elle entre chez Moi sans frapper, elle allume Ma télé.
Elle m'attrappe par les bras,sans me dire un mot, me traine sur les toilettes et m'asseoit là, avec ma couche sale qui me brûle la peau.
En attendant.
Parce qu'elle a à faire.
Elle ouvre grand la fenêtre, parce que ça pue qu'elle dit.
Et elle regarde Victoria refuser d'épouser John , en faisant Mon lit.
Très mal.
Ou a-t-elle appris à faire un lit, cette souillon?
Rah...si je pouvais bouger , un peu plus...
Je lui montrerais.
D'abord le drap.
On tire.
On vérifie l'alignement des deux côtés.
On borde en bas , le drap.
Puis la couverture.
On tire.
On aligne
On borde , des deux côtés.
Puis on tape l'oreiller.
Elle ne tape même pas mon oreiller.
Si j'avais juste la force de taper mon oreiller...
Ensuite, la noire gentille ou la blanche méchante , m'habille.
Parfois elles me mettent des robes qui ne sont même pas à moi.
Pourtant , mes vêtements ont été marqués.
C'est le règlement.
Mais lire une étiquette n'est pas dans leur réglement à eux, visiblement.
"On va se faire belle, qu'elles me disent parfois"...
Oui enfin, si tant est que ressembler à une écorce d'arbre ridée avec une robe, peut être considéré comme un critère de beauté.
Alors je me tourne vers Sa photo.
Je soupire, en silence, elles ne s'en rendent même pas compte.
Et je me dis, ah Julien...., c'est quand qu'on se revoit, hein?
Ensuite commence l'attente.
On me déplace.
Un peu.
100 mètres par jour en moyenne.
On me demande d'ingurgiter des trucs informes.
Et infâmes parfois.
De l'eau gélifiée rose bonbon.
On m'invite à socialiser avec des vieillards, qui crient, qui tremblent, ou qui racontent tels des révisionnistes, leur tout nouveau passé.
Ce n'est pas très gai.
Alors j'ingurgite.
Ce que ma main parvient à mener à ma bouche.
J'en fous plein mon bavoir, ils avaient qu'à pas m'humilier.
Même pas un bon coup de pinard avec ma vache kiri.
J'ai du renoncer à mon camembert au lai cru, je m'étouffais.
Parfois, des photos viennent me rendent visite...
J'avoue ça me fait plaisir...enfin certaines.
D'autres m'ennuient.
Si je pouvais leur dire...
Ca leur éviterait de faire toute cette foutue route.
Et ça m'éviterait de les entendre me demander 10 000 fois si ça va.
Ou parler de moi à la 3ème personne du singulier.
Voire à l'imparfait.
Celles que je préfère , ce sont les mini photos... des photomatons, qu'on dit je crois...
Je les regarde s'agiter autour de moi...escalader les rembardes.
Faire la course dans les couloirs de ma propriété.
Supplier , on va dehors , on va dehors...
Alors on me met dans Mon caddie et on y va.
Chacun ses courses.
Je les regarde: 4 petites jambes qui courent après le ballon ou les lapins.
J'ai envie de me lever de ce fauteuil et d'aller jouer avec elles, sur la pelouse...
Bon je me contente de l'air sur ma peau de vieille pomme fripée.
C'est bon.
S'il fait trop froid , on reste dans Mes appartements.
Les petites photos dessinent entre 2 bêtises et la grande photo qui les accompagne m'oblige à plier des torchons.
Elle a pas oublié.
A quel point j'aimais ça.
Alors je plie.
Et c'est bon.
J'y arrive encore.
Même en tremblant.
Quand j'ai fini, je la regarde droit dans les yeux.
Et elle me regarde aussi.
Je ne sais plus comment elle s'appelle.
Elle me l'a redit y'a 5 minutes pourtant.
C'est pas bien grave.
Elle me prend la main.
Elle me touche.
Si j'avais encore des larmes, j'en pleurerais de joie.
Elle , elle en a .
Mais je vois bien qu'elle les retient là derrière le bleu de ses yeux.
Alors on pleure en silence.
Toutes les deux.
Puis elle efface tout ça avec son plus beau sourire.
Et parfois, dans un intense effort ,j'arrive à le lui rendre.
13:12 Publié dans lettres capitales | Lien permanent | Commentaires (7)
Commentaires
allons bon. j'étrenne. ne revenons pas sur ce que je pense de ton article, tu le sais déjà et les réitérations ne sont pas mon fort. j'aurais l'impression d'écrire sur le blog de mon fils...
enfin, comme promis :
Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux
Même riches ils sont pauvres, ils n'ont plus d'illusions et n'ont qu'un cœur pour deux
Chez eux ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d'antan
Que l'on vive à Paris on vit tous en province quand on vit trop longtemps
Est-ce d'avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d'hier
Et d'avoir trop pleuré que des larmes encore leur perlent aux paupières ?
Et s'ils tremblent un peu est-ce de voir vieillir la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui dit : je vous attends ?
Les vieux ne rêvent plus, leurs livres s'ensommeillent, leurs pianos sont fermés
Le petit chat est mort, le muscat du dimanche ne les fait plus chanter
Les vieux ne bougent plus, leurs gestes ont trop de rides, leur monde est trop petit
Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit
Et s'ils sortent encore bras dessus, bras dessous, tout habillés de raide
C'est pour suivre au soleil l'enterrement d'un plus vieux, l'enterrement d'une plus laide
Et le temps d'un sanglot, oublier toute une heure la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, et puis qui les attend
Les vieux ne meurent pas, ils s'endorment un jour et dorment trop longtemps
Ils se tiennent la main, ils ont peur de se perdre et se perdent pourtant
Et l'autre reste là, le meilleur ou le pire, le doux ou le sévère
Cela n'importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enfer
Vous le verrez peut-être, vous la verrez parfois en pluie et en chagrin
Traverser le présent en s'excusant déjà de n'être pas plus loin
Et fuir devant vous une dernière fois la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui leur dit : je t'attends
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non et puis qui nous attend.
Écrit par : cehem | dimanche, 28 septembre 2008
et la deuxième chanson, plus décallée dans son rapport à ton article mais...
One
de Metallica
I Can't Remember Anything
Can't Tell If this Is True or Dream
Deep down Inside I Feel to Scream
this Terrible Silence Stops Me
Now That the War Is Through with Me
I'm Waking up I Can Not See
That There's Not Much Left of Me
Nothing Is Real but Pain Now
Hold My Breath as I Wish for Death
Oh Please God,wake Me
Back in the Womb its Much Too Real
in Pumps Life That I must Feel
but Can't Look Forward to Reveal
Look to the Time When I'll Live
Fed Through the Tube That Sticks in Me
Just like a Wartime Novelty
Tied to Machines That Make Me Be
Cut this Life off from Me
Hold My Breath as I Wish for Death
Oh Please God,wake Me
Now the World Is Gone I'm Just One
Oh God,help Me Hold My Breath as I Wish for Death
Oh Please God Help Me
Darkness
Imprisoning Me
All That I See
Absolute Horror
I Cannot Live
I Cannot Die
Trapped in Myself
Body My Holding Cell
Landmine
Has Taken My Sight
Taken My Speech
Taken My Hearing
Taken My Arms
Taken My Legs
Taken My Soul
Left Me with Life in Hell
Écrit par : cehem | dimanche, 28 septembre 2008
bon comme convenu aussi, je ne te remercie pas... ;)
j'aime beaucoup ce thème, même (note l'alitération en "ème") s'il n'est pas léger.
ça nous met face à notre humanité.
Écrit par : melleblabla | lundi, 29 septembre 2008
mon commentaire de dimanche n'est pas passé, il était pourtant très sobre (et maintenant j'ai l'air con!!) bref ça disait juste: "
Écrit par : julie | mardi, 30 septembre 2008
comment ça, ça disait juste "guillemet"...
tu déconnes là ;)
Écrit par : melleblabla | mardi, 30 septembre 2008
pffff
ça disait: smileyauxyeuxhumides
Écrit par : julie | mardi, 30 septembre 2008
et moi je suis allée jusqu'aux yeux trempés...
bon normal c'est ma Rinette... (raminette comme ils disent mes petits)
merci julie ;)
je suis heureuse que l'émotion que j'y ai mise se ressente.
bisoo
Écrit par : melleblabla | mardi, 30 septembre 2008
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